Outre leur petite copine respective qui se faisait sempiternellement enlever par des gus mal intentionnés (décidément vous aviez pas mal influencé votre audience Mr. Miyamoto…), on pourrait alors se demander si ces deux oiseaux là ne vivaient pas sur la même île ! Ha ben justement… On me souffle à l’oreille que Wonder Boy et Takahashi Meijin no Boken Jima (Adventure Island) étaient en réalité les mêmes jeux à la base…

L’un est une exclusivité NEC et Nintendo, l’autre Sega. Si le destin a voulu que, pour des problèmes de droit, le character design de Tom-Tom soit modifié pour pouvoir squatter les charpentes de la firme de Kyoto, les deux séries prendront en revanche deux routes assez différentes. En effet, Wonder Boy premier du nom, et développé par Escape, se voyait déjà être une licence juteuse chez Nintendo mais lors de son portage, son éditeur (Hudson Soft) a jugé bon de modifier le nom du jeu mais également l'aspect du protagoniste, qui deviendra ainsi Maître Higgins (héritant d'une casquette rouge qu'il a certainement piqué à qui vous savez) !

Les années passent et la série des Wonder Boy fait son petit bonhomme de chemin sur Master System et Megadrive, jonglant entre la plate-forme traditionnelle et le RPG… Tandis que Adventure Island cartonne sur NES et pourtant, le bougre ne prend pas de risque puisqu'il s'autorise à conserver son gameplay simpliste d'action/plates-formes !

Les aventures du petit indigène fonctionnent d'ailleurs tellement sur NES (quatre épisodes dont deux sortis en Europe) et Game Boy (deux épisodes également distribués en Europe) que l'éditeur nippon ne tardera pas à imaginer deux suites sur Super NES/Super Famicom du nom de Takahashi Meijin no Daiboken Jima (Super Adventure Island) et Takahashi Meijin no Daibōken Jima Tsu (Super Adventure Island II). À noter que seul le premier épisode sur Super NES/Super Famicom sera pris en charge par Produce, une boite nippone fondée par Irem.

Petite parenthèse tout de même, contrairement à ce que pouvaient annoncer nos canards préférés à l'époque, seul Super Adventure Island sera sorti officiellement en France. Le second opus sera certes distribué en Europe mais uniquement dans une déclinaison PAL EUR et, chose surprenante, il n'y aura aucun texte en français sur la boite/notice malgré les publicités (peut être trop précoces) annonçant l'arrivée imminente de la suite des aventures de Maître Higgins chez nous… Allez savoir pourquoi !

Bref, ce qui nous intéresse ici, c'est Super Adventure Island, qui ne tardera pas à pointer le bout de sa hache en France puisqu'il nous arrivera très peu de temps après la sortie de la Super NES chez nous soit en octobre 1992, créneau que l'on aurait aimé plus timide en parution de killer apps sur Super NES à l'époque (Street Fighter II, Super Ghouls'n Ghosts, Super Probotector : Alien Rebels , Teenage Mutant Hero Turtles IV : Turtles in Time, The Legend of Zelda : A Link to the Past). Comme expliqué plus haut, le pitch du jeu est d'une telle profondeur qu'il pourrait faire passer les films de Besson pour du Tolkien : Dark Cloak le vilain petit sorcier Gnome a décidé de transformer votre bien aimée, Tina, en pierre ! Notre beau sauvageon n'a alors d'autre choix que de poursuivre le malotru par delà les montagnes de glace afin de le terrasser et ainsi rendre son apparence à sa dulcinée. Pour se faire, il devra traverser des régions aux environnements variés certes, mais dont les thématiques respectent le sempiternel cahier des charges type de l'époque : la jungle, les volcans, la plage, les mines (avec son habituelle phase en wagonnet), la désert et enfin, bien entendu, les glaciers.

Une épopée classique dans sa forme mais qui cache en réalité bien son jeu dans la mesure où les stages proposent plusieurs background et ce, sans interruption. En effet, les paysages que notre petit sauvage devra affronter changent constamment et il n'est nullement question de se laisser guider par l'ennui, d'autant plus que le bestiaire rencontré s'apparente à un véritable carnaval ! Higgins devra faire face à milles dangers et surtout à un bestiaire qui respire l'autodérision ! Entre les squelettes, les phoques gonflés à l'hélium, les pieuvres coiffées d'un coquillage et les pingouins, Hudson Soft nous fait clairement comprendre qu'il n'est pas question de changer sa ligne de conduite.

Si notre petit héros se retrouve complètement désemparé dés le début de son épopée, il mettra assez rapidement la main sur l'une des deux armes proposées par le jeu, un boomerang ou une hache de pierre. Il sera naturellement possible de changer son arsenal en récupérant l'item adéquat ou, à l'inverse, de le booster. En amassant quatre items de son arme actuelle, Higgins verra alors ses projectiles se transformer en boules de feu à la puissance décuplée ! Par ailleurs, votre force de frappe ne constitue pas la seule alternative aux assauts de vos ennemis…

Higgins n'est pas seulement un jeune sauvageon stylé à casquette, c'est aussi un pro du skate ! Une fois sur sa planche, le bougre bénéficiera non seulement d'une vitesse de déplacement accrue mais également de la seule protection possible contre vos assaillants et pour cause… Ces déplacements en skate vous laisseront le loisir de vous faire toucher une fois avant de… Perdre une vie ! Plus fort que Ghosts'n Goblins et Ghouls'n Ghosts réunis, Super Adventure Island repousse les limites du réalisme : au moindre choc à pied, Higgins perd irrémédiablement une vie !

Et temps qu'on se penche sur la difficulté du titre d'Hudson Soft, si vous pensiez que le côté puéril de l'aventure permettrait à notre héros de parcourir monts et vallées sans grand effort, autant dire de suite que ce n'est pas dans Super Adventure Island que vous trouverez la béatitude…

En effet, chose peu commune pour un jeu de plates-formes, Maître Higgins perd progressivement sa santé dés le début de l'aventure ! Il lui faudra alors amasser les différents fruits en chemin s'il ne veut pas passer de vie à trépas très rapidement… Par ailleurs, tout n'est pas contre lui puisque non seulement ces fameux fruits sont légion et se trouvent un peu partout durant le stage parcouru, mais en plus, divers niveaux bonus lui permettront de récolter des vies supplémentaires. Outre le fait de nous gratiner d'un univers folklorique, enfantin et purement nippon, Super Adventure Island ne cache pas ses ambitions et nous prouve ainsi que Produce (également à l'origine de la série des Super Bomberman) n'a rien à apprendre sur la maitrise de la 16 bits de Nintendo !

Éclectique, mignon tout plein, pêchu, simpliste mais coloré, profitant des effets de zooms de la machine, de sprites énormes et d'une débauche de scrolling parallaxes… Ces nouvelles aventures préhistoriques de Maître Higgins marchent clairement sur les traces d'autres productions du genre (Joe & Mac : Caveman Ninja, Chuck Rock…), mais nul ne peut contester le savoir faire et la patte d'Hudson Soft, à l'origine de la saga mythique des PC Kid…

Néanmoins, Super Adventure Island n'est pas parfait et pêche sur plusieurs points, à commencer par sa maniabilité particulière… Sans être dramatique, la gestion de notre petit personnage pourrait en effet dérouter les habitués de la plate-forme et tout particulièrement les clients fidèles des licences de Nintendo. À l'inverse du gameplay parfait d'un épisode de Mario (ou de Sonic !), il vous faudra revoir vos bases et vous adapter à cette façon si particulière de prendre de l'élan avant vos sauts. Le « Super Saut » (appelons-le ainsi) se révèle en effet non seulement comme la nouveauté de cet épisode sur 16 bits, mais il est surtout essentiel à votre progression.

S'accroupir et vous élancer avant d'atteindre votre cible, tel sera votre quotidien dans ce soft aux allures de jeux 16 bits mais au gameplay hérité de l'ancienne génération. En effet, il est hors de question de vous contenter des simples petits sauts de Higgins, ceux-ci n'étant fait que pour éviter les obstacles, le « Super Saut » se révèlera être votre seule alternative pour franchir les pièges les plus espacés, d'autant plus que notre pauvre diable meurt au contact de la moindre embûche ! Un temps d'adaptation est alors plus que nécessaire si vous voulez survivre dans cette jungle…

Qui plus est, si le soft (né à l'origine sur 8 bits) accuse un passage sur 16 bits avec brio avec son lifting impeccable et sa réalisation globale plus que flatteuse, il est dommage de constater les quelques couacs techniques liés à l'animation. Produce s'est en effet contenté du strict minimum et même si le panel de mouvements de notre héros est correctement détaillé, celui de nos ennemis est en revanche limité et ne présente que quelques étapes… Plus d'attention de ce côté aurait été un plus mais bon…
Fort heureusement, ces légères faiblesses sont largement comblées par une qualité indéniable du titre : sa bande son ! Signées Yuzo Koshiro (Shinobi, Bare Knuckle, ActRaiser, Beyond Oasis, Shenmue…), les compositions du soft nous transportent dans son univers tropical…

Funky, respirant la bonne humeur et le vent hawaïen à plein nez, Super Adventure Island sait sans problème nous faire bouger la tête au rythme de ses beats. Une prestation tellement étonnante à l'époque, qu'elle lui a d'ailleurs valu d'être comparée aux meilleurs enregistrements sur CD, c'est dire ! Réalisation au top (malgré son animation perfectible) et visuellement attachant, durée de vie très satisfaisante liée à son gameplay particulier, excellente bande son… Même si Super Adventure Island n'est pas un must have en soi, il se révèle être un excellent soft dans sa globalité et l'on ne peut qu'applaudir Produce/Hudson Soft pour cette conversion d'un de ses plus grands classiques sur 16 bits !

Phénomène Super NES oblige, le soft commence tout doucement à avoir son petit succès aux yeux des collectionneurs, surtout dans sa version PAL FAH ! Loin d'être introuvable complet, il vous faudra néanmoins vous armer de patience si vous voulez mettre la main dessus à prix correct… Ou alors être assez rapide sur les forums d'achats/ventes !

Une fois encore, nous sommes ici en présence d'un de ces jeux qui prend du galon une fois qu'on commence à s'y intéresser (la réputation de la licence n'y est pas non plus innocente), d'autant plus qu'il était proposé par les boutiques hollandaises à prix très correct il y a encore un an !

L'exemplaire qu'il m'a été donné de récupérer a été trouvé sur Ebay (en Belgique) et même s'il ne s'agit pas de la meilleure affaire du siècle au niveau prix, mon petit doigt me dit que je ne regretterai pas cet achat compulsif d'ici quelques temps…

AndJoy !